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Friday, May 1, 2015

Colloque «Étymologies populaires, savantes et pseudo-savantes»

http://www.onomastique.asso.fr/news.php?lng=fr&pg=166&tconfig=0

Colloque international « Étymologies populaires, savantes et pseudo-savantes »
Organisation : Université de Strasbourg - Groupe d'études orientales, slaves et néo-helléniques (EA 1340-GEO) - Département d'Études néo-helléniques.
                
Dates : jeudi 10 et vendredi 11 mars 2016.
Lieu : Campus de l'Esplanade - Université de Strasbourg.
Appel à communication
L’étymologie constitue une pratique dotée d’une longue histoire. Utilisée par des philosophes ou des savants de l’antiquité jusqu’à nos jours, en passant par le Moyen Âge, la Renaissance et le Siècle des Lumières, elle est intégrée soit dans une méthode poétique de recherche du vrai sens d’un mot (herméneutique) soit dans une argumentation qu’elle vise à appuyer [1]. Le premier témoignage écrit de cette pratique, et probablement le plus célèbre, est sans doute le dialogue Cratyle de Platon (IVe siècle av. J.-C.) qui pose les bases d’une discussion sur l’arbitraire du signe et le rapport causal entre le nom et son référent. Durant cette période « pré-scientifique », les méthodes de reconstitution de l’origine des mots étaient variées et plutôt subjectives, de sorte qu’elles paraissent aujourd’hui fantaisistes.
C’est au XIXe siècle que l’étymologie se dote de rigueur scientifique, avec l’avènement de la grammaire historique et l’intérêt croissant pour la filiation des langues indo-européennes. Ainsi commence l’histoire scientifique de l’étymologie en tant que partie intégrante de la linguistique. L’étude de l’histoire des mots connaît un essor considérable pendant ce siècle, grâce aux travaux de Grimm et de Diez, philologues allemands, essor qui subsistera jusqu’au début du XXe siècle, avec les travaux notamment de linguistes suisses comme Jules de Gilliéron et Walther von Wartburg. Néanmoins, force est de constater que l’étymologie ne s’est pas constituée en branche indépendante de la linguistique, qu’elle n’a pas vraiment formé un arsenal théorique solide et que son statut épistémologique est mis en question par bon nombre de linguistes. En outre, les études étymologiques se font de plus en plus rares au sein des sciences du langage depuis le milieu du XXe siècle. L’étymologie semble « totalement absente des réflexions actuelles sur le langage », sauf intégrée dans un discours sur la philosophie du langage ou dans des descriptions et analyses de son histoire [2].
Or, après les efforts des linguistes de rendre les études étymologiques scientifiques et l’amenuisement de l’intérêt qui ont eu lieu pendant les XIXe et XXesiècles, un nouvel élan surgit récemment pour celles-ci. Il s’agit cette fois d’un intérêt pour l’étymologie populaire, à savoir les étymologies « naïves » ou ordinaires, sans fondement scientifique, mais basées sur l’intuition et souvent erronées. Cette évolution ne semble pas étrangère au fait que la linguistique du dernier quart du XXe siècle se tourne progressivement vers le sujet parlant et s’intéresse à sa perception des usages langagiers. Ainsi, une grande partie des sciences du langage se penche sur le discours sur les phénomènes langagiers et sur leurs représentations, telles qu’elles sont construites dans et par le discours. Cela ne concerne pas seulement la sociolinguistique, mais aussi d’autres branches comme la linguistique appliquée, tandis que l’on voit surgir une nouvelle branche, la linguistique populaire ou, selon d’autres, spontanée ou ordinaire [3]. Celle-ci vise à intégrer l’étude des savoirs populaires dans les sciences du langage, dans la lignée notamment des travaux américains (folk linguistics). Il y a donc une tendance récente, bien que non généralisée [4], de reconsidérer l’étymologie populaire, comme un processus intéressant à étudier pour rendre compte des compétences lexicales « naturelles » des sujets, mais aussi morphologiques et sémantiques, mais aussi de dégager les constantes inhérentes au fonctionnement des langues naturelles [5]. Sa valeur explicative a également été réévaluée en dialectologie, où elle peut constituer un outil précieux afin de ne pas voir ad hoc des emprunts externes [6], tandis qu’elle peut, dans tous les cas, contribuer au changement linguistique, comme cela peut être le cas d’une orthographe altérée suite à une mésinterprétation de l’origine du mot.
En même temps, diverses disciplines scientifiques non-linguistiques telles que l’anthropologie, l’ethnologie et l’ethnographie ont considéré la pratique de l’étymologie comme un phénomène culturel prédominant au sein de la culture agraire, traditionnelle, et souvent illettrée, et ses multiples catégories de savoir populaire (folklore) : les énigmes, proverbes et légendes, croyances ou mythes étiologiques qui répondent à des questions émergeant d’une simple curiosité autour des phénomènes naturels et culturels [7], les incantations et textes divinatoires où le mot interprété obtient une force transcendante, la formation et l’interprétation de l’espace (toponymes) ou du temps sacré (calendrier) et de l’expérience ancestrale. La « revalorisation » de l’étymologie populaire a également résulté des études ethnolinguistiques, et folkloristes, qui portent autant sur l'oralité que sur le texte – dans le sens sémiotique du mot – rituel [8].
Quoi qu’il en soit, la prise en charge de l’étymologie par la linguistique ou autres domaines scientifiques ne signifiait en rien l’effacement des pratiques étymologiques qui tirent leurs sources de Cratyle. Ainsi, l’étymologie est encore utilisée jusqu’à aujourd’hui dans un discours non-linguistique, quoiqu’érudit ou pseudo-savant. Elle apparaît comme instrument herméneutique, argument sérieux, ludique ou comme exercice de style dans des écrits philosophiques et littéraires, des chroniques journalistiques ou des essais, sans être toujours dépourvue de fantaisie [9]. Ces usages discursifs de l’étymologie ne manquent d’ailleurs pas de servir aux auteurs pour légitimer leurs thèses et peuvent donc témoigner des croyances et des idéologies qui les sous-tendent[10].
Le propos de ce colloque sera articulé autour des questions suivantes, sans pour autant en exclure d’autres questions en lien avec l’étymologie telle que pratiquée par les non-linguistes :
- Quels sont les effets argumentatifs du recours à l’étymologie dans différents types de discours : discours érudit, pseudo-savant ou populaire ?
- Quelles sont les fonctions de ces discours étymologiques ?
- Quelles croyances ou quels enjeux idéologiques, religieux et/ou politiques sous-tendent ce recours à l’étymologie dans les écrits ?
- Peut-on déceler, plus particulièrement, des usages soumis aux orientations idéologiques nationalistes d’auteurs universitaires, savants ou pseudo-savant dans l’Europe du Sud-est ?
- Quelles informations sociales, cadres socioculturels et/ou idéologiques agissent pour produire les intuitions en matière d’étymologie populaire chez les locuteurs ainsi qu’en matière d’étymologie non scientifique dans le discours érudit ?
- Quels peuvent être les liens entre l’étymologie populaire et le changement linguistique ?
- Que révèle le recours à des étymologies non linguistiques au sujet de l’auteur ou de la personne qui les intègre dans son discours et au sujet de la construction de son identité ?
- Comment se fait, concrètement, la formulation d’une étymologie non linguistique : quelles méthodes sont-elles suivies, sur quelles références s’appuie-t-on ? Est-on influencé par la formulation de l’étymologie scientifique ?
- Peut-on entrevoir une évolution dans la formulation ainsi que dans l’usage discursif des étymologies non scientifiques dans le temps ?
- Pourquoi l’étymologie n’a pas réussi à se constituer en branche indépendante des sciences du langage et a périclité ?

Modalités
Les résumés, accompagnés d’un court CV de 150 mots maximum, seront à envoyer aux organisateurs (Irini Tsamadou-Jacoberger :jacoberg[arobase]unistra.fr, Maria Zerva : mzerva[arobase]unistra.fr, et Stamatis Zochios : stamzochios{arobase]gmail.com) avant le 15 juillet 2015, et ne devront pas dépasser 300 mots.
Date d’acceptation des communications : 15 octobre 2015
Langue du colloque : français
Comité d’organisation :
Irini Tsamadou-Jacoberger  (jacoberg[arobase]unistra.fr)
Stamatis Zochios (stamzochios[arobase]gmail.com)
Références (liste non exhaustive)
Achard-Bayle, Guy & Paveau, Marie-Anne (dir.) (2008). Linguistique populaire ? , in Pratiques, n° 139/140.
Béguelin, Marie-José (2002). « Étymologie “populaire”, jeux de langage et construction du savoir lexical », in Semen, 15. En ligne. Consulté le 25 novembre 2014. URL : http://semen.revues.org/2414
Bourdieu, Pierre (2001), « Vous avez dit “populaire” ? », in Langage et pouvoir symbolique, Paris, Seuil : 132-151.
Buridant, Claude (dir.) (1998). L’étymologie de l’Antiquité à la Renaissance, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion.
Chambon, Jean-Pierre & Lüdi, Georges (éds.) (1991). Discours étymologiques : actes du colloque international organisé à l'occasion du centenaire de la naissance de Walther von Wartburg, 16-18 mai 1988, Tübingen, Max Niemeyer Verlag.
Hanania, Cécile (2010). Roland Barthes et l’étymologie. Bruxelles. Peter Lang.
Kabakova, Galina (1992). « La magie étymologique », in Langage et société, n° 60, D'où parlent les mots ? Le terrain de l'étymologie. p. 67-77.
Kaye, Alan S. (2004). « Folk etymology : alive and kicking in the 21st century », in English Today 79, Vol. 20, n° 3 : 55-56.
Malkiel, Yakov (1993) : Etymology. Cambridge. Cambridge University Press.
Marks, Herbert (1995), « Biblical Naming and Poetic Etymology », in Journal of Biblical Literature, Vol. 114, No 1, p. 21-42.
Niedzielski, Nancy & Preston, Dennis (2000). Folk Linguistics, Berlin/New York. Mouton De Gruyter.
Paveau, Marie-Anne (2007). « Les normes perceptives de la linguistique populaire », in
Langage et société, n° 119, p. 93-109.
Reichler-Béguelin, Marie-José (1995). « Saussure et l’étymologie populaire », in Linx, n° 7. En ligne. Consulté le 25 novembre 2014. URL :http://linx.revues.org/1131.
Sériot, Patrick (1996). « La linguistique spontanée des traceurs de frontières », in Sériot P. (éd.), Langue et nation en Europe centrale et orientale du 18e siècle à nos jours, Lausanne. Cahiers de l'ILSL 8 : 277-304
Sériot, Patrick, Bulgakova, Elena & Eržen, Andreja (2008). « La linguistique populaire et les pseudo-savants », in Pratiques, n° 139-140 : 149-162.

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[1] Hanania 2010, p. 29.
[2] Ibid., p. 49-50 et p. 49 pour la citation.
[3] Voir Paveau 2007 et Achard-Bayle & Paveau 2008.
[4] Nombreux sont les exemples des linguistes qui démontrent le fondement fallacieux de ces étymologies, tels que Kaye 2004.
[5] Béguelin 2002.
[6] Ibid.
[7] Marks 1995, p. 22.
[8] Kabakova 1992, p. 68.
[9] Hanania 2010, p. 34-41.
[10] Ibid, p. 59-72 et Sériot, Bulgakova & Eržen 2008.

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