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Wednesday, February 1, 2017

La pseudonymie dans la littérature française



http://www.fabula.org/actualites/d-martens-dir-la-pseudonymie-dans-la-litterature-francaise_77838.php

D. Martens (dir.), La pseudonymie dans la littérature française, Rennes, Presses universitaires de Rennes, "La Licorne", 2016.


La pseudonymie dans la littérature francaise. De François Rabelais à Éric Chevillard, s. dir David Martens, Rennes, Presses universitaires de Rennes, "La Licorne", 2016.
Date de parution : 09/02/2017 Editeur : PU Rennes ISBN : 978-2-7535-5218-0 EAN : 9782753552180.
Sous pseudo 
Jamais sous doute la pseudonymie n'a été chose plus partagée qu'en ce début de XXIe siècle. Jadis, le recours à une autre identité via un autre nom que celui figurant à l'état civil était essentiellement restreint à certaines sphères d'activités spécifiques : ordres religieux, services secrets, pratiques artistiques… De nos jours, en revanche, à la faveur du développement d'internet en particulier, la pratique qui consiste à user d'un autre nom que le sien semble devenue monnaie courante et le pseudo se situe désormais au cur de certaines des pratiques qui façonnent notre relation à l'écrit et à sa diffusion publique.
Qu'en est-il des écrivains en ce qui concerne leurs recours à ce geste d'écriture auquel ils ont conféré son degré de sophistication le plus prononcé ? Réunissant des études portant sur la littérature française du XVIIe siècle à nos jours, cet ouvrage a pour objectif de faire apparaître les principaux enjeux de la pratique pseudonymique tout en montrant la complexité et la diversité de ses usages, formes et fonctions au fil des siècles.

Présentation des différentes contributions (on trouvera à la suite le sommaire de l'ouvrage) :
"Partant du constat de l’importance de la pseudonymie dans la production littéraire en même temps que du caractère encore éclaté des recherches sur le sujet, ce volume s’est donné pour finalité de baliser l’étude de la pseudonymie en examinant de façon systématique les procédures de mise en œuvre du nom de plume par les écrivains. Pour ce faire, la pseudonymie a été envisagée de façon large, c’est-à-dire comme un système de pratiques signatoriales répondant à certaines finalités, historiquement déterminées. Les contributions réunies au sein de cet ouvrage, le premier de cette ampleur à être intégralement consacré à la pseudonymie dans la littérature, visent à examiner les différentes formes et les modes de fonctionnement de la pseudonymie au sein du champ littéraire français, en abordant les questions soulevées par cette pratique de façon transversale et selon une perspective résolument inscrite dans la longue durée puisqu’elle s’étend du xvie siècle à nos jours.
Les articles qui composent cet ouvrage sont répartis en trois sections, précédées par un article de Jean-Pierre Cavaillé qui examine la façon dont Adrien Baillet rend compte, au xviiie siècle, des motivations des auteurs qui adoptent un pseudonyme.
Chacune de ces sections correspond à une problématiques définie et rassemble des études relatives à des corpus d’époques différentes afin de faire ressortir, à la fois, les lignes de force de la poétique de la pseudonymie en même temps que les spécificités historiques de leurs mises en œuvres.
La première partie porte sur la faculté du pseudonyme à générer du jeu dans la constitution de la figure auctoriale. La pratique pseudonymique suppose la mise en jeu de deux signatures au moins, le (ou les) pseudonyme(s), mais aussi le nom véritable, que celui-ci soit connu ou non par le public. Le procédé, qui peut se configurer de façons très variées, repose sur un principe d’altération, susceptible de revêtir différentes formes, selon les publics visés. Cette question est cruciale dans la mesure où elle détermine les formes de pseudonymie et les effets de lecture qu’elles génèrent. À cet égard, contrairement à l’option ségrégationniste retenue traditionnellement (chez Genette et Jeandillou notamment), la pseudonymie et l’hétéronymie sont ici envisagés comme deux formes distinctes d’un même procédé, qui consiste à signer d’un « faux » nom. En l’espèce, il ne s’agit nullement de réduire la spécificité de l’hétéronymie, mais bien plutôt de se donner les moyens d’aborder un ensemble de pratiques apparentées dans leur diversité, afin de rendre compte de la logique qui les sous-tend.
La seconde partie de l’ouvrage, composée de trois sous-parties, porte sur les changements de paramètres identitaires induits par le pseudonyme. Par leur seule facture les noms propres « renvoient à la réalité, ou à la plausibilité, d’une origine ou d’une appartenance » (N. Lapierre, Changer de nom (1995), édition revue et augmentée, Gallimard, coll. « Folio Essais », 2006, p. 19) en indexant certaines caractéristiques identitaires, de façon plus ou moins évidente et fiable il est vrai. Un pseudonyme peut dès lors parfaitement afficher d’autres coordonnées identitaires que celles effectivement induites par le nom d’état civil. Se choisir un pseudonyme revient ainsi, pour un écrivain, à se donner la possibilité de mobiliser certaines caractéristiques identitaires que le nom est susceptible d’afficher – comme l’appartenance sociale, le sexe ou encore l’origine culturelle, qui sont ici envisagés successivement, à travers quatre études pour chacune de ces sous-sections –, tout en procédant, le cas échéant, à l’occultation ou à l’escamotage éventuels d’un ou de plusieurs autres de ces traits d’identité.
La troisième et dernière section de l’ouvrage fait pendant à la première, qui examinait les formes internes du champ de la pseudonymie. Les quatre articles qui la composent s’interrogent sur l’inscription de la pseudonymie dans le champ global des pratiques de signature, des pratiques proches de la pseudonymie littéraire, dont l’examen permet de tracer les contours de son champ d’exercice. Il s’agit de l’envisager à travers ses rapports avec d’autres types de signature, en la situant au sein des règles qui régissent l’auctorialité en régime littéraire, en l’examinant par rapport à des formes de signature qui partagent certains traits avec la pseudonymie mais n’en relèvent cependant pas (l’anonymat), en la mettant en regard des dispositifs d’écriture particulier qui, sans relever de la pseudonymie, génèrent des effets analogues à ceux produit par les pseudonymes, enfin en comparant la pseudonymie littéraire à la façon dont d’autres types de discours (la philosophie, en l’occurrence) traitent les pseudonymes.
Aussi transversal et éclectique soit-il, un tel panel n’a pas prétention à l’exhaustivité. Une telle ambition serait en toute rigueur irréalisable devant la richesse et la complexité des questions soulevées par une telle problématique. La finalité de cet ensemble est, plus modestement, de poser un certain nombre de balises à travers une approche collective structurée par une interrogation commune et une mise en perspective des différentes études les unes par rapport aux autres.
Par son ampleur, l’ouvrage permet d’aborder un ensemble d’œuvres, d’auteurs et, surtout, d’aspects de la pratique relativement conséquent. Ainsi, de François Rabelais (Ariane Bayle) à Éric Chevillard (Charline Pluvinet) en passant par Adrien Baillet et ses écrits sur le sujet et les motivations de la pseudonyme (Jean-Pierre Cavaillé), ce volume aborde le rapport de la pseudonymie à la doxa qui sous-tend l’auctorialité littéraire au xviiie siècle (Jan Herman), le phénomène de la ventriloquie dans la littérature pamphlétaire du début du xviie siècle (Jean-Philippe Beaulieu), l’usage des fausses signatures dans le cadre des controverses religieuses du xviiesiècle (Martial Martin), le recours aux pseudonymes féminins dans la presse d’Ancien Régime (Mélinda Caron), l’attrait de l’ailleurs que mobilisent les pseudo-traductions de l’anglais dans le roman du xviiie siècle (Beatrijs Vanacker), l’évolution de l’usage des pseudonymes chez Gérard de Nerval (Michel Brix), l’adoption de noms de plumes de l’autre sexe dans la littérature des années 1825-1835 (Sophie Vanden Abeel-Marchal) les motivations du recours à la pseudonymie pour les femmes écrivains de la Belle Époque (Patricia Izquierdo), la part de sacralisation induit par le pseudonyme et sa dissémination au cœur de l’œuvre poétique, chez un Saint-John Perse (Sylvain Dournel), les pratiques collectives de pseudonymie dans des jeux plus larges de nomination au sein de groupes d’avant-garde, qu’il s’agisse de Dada (Eddie Breuil) ou du Grand Jeu (Anne-Marie Havard), la dimension rituelle et sacralisante de la pseudonymie, comme manière de marquer sa naissance à l’état d’écrivain, chez un romancier comme Joris-Karl Huysmans (Jérémy Lambert) ou des poètes comme Pierre Jean Jouve et Pierre Emmanuel (Myriam Watthee-Delmotte), la spécificité du recours au pseudonyme dans des pratiques d’écritures privées telles que la correspondance chez un auteur comme Céline (Jérôme Meizoz), l’attrait crypté de la noblesse dans le façonnement de son nom de plume par Marguerite Duras (Christophe Meurée), la réception problématique d’œuvre attribuées à des auteurs d’une autre identité culturelle que celle de l’auteur véritable, avec Boris Vian et Jack-Alain Léger (David Martens & Aleide Vanmol), et, enfin, de la différence des usages du pseudonyme dans les domaines littéraire et philosophique (Dominique Maingueneau).
L’objectif de cette réflexion d’ensemble est de faire apparaître certaines des facettes majeures de cet usage particulier et quelque peu transgressif de la signature, qui met en question notre rapport à la littérature et à ses règles, telles qu’elles n’ont cessé de se transformer au cours des siècles. Plus largement, cette cartographie d’une pratique éclaire les relations que nous entretenons avec le nom propre et, plus largement, avec notre identité et celles de nos semblables telle qu’elles se trouvent mise en jeu dans les rapports que nous entretenons eux." D. M.

Table des matières
NB : Les introductions des différentes sections du volume sont accessibles sur Academia (voir ci-dessous).

David Martens (KU Leuven) – « Pseudonymie et littérature. Pour une cartographie d’un mode de signature » (A lire dans l'Atelier de théorie littéraire).
Jean-Pierre Cavaillé (EHESS) – « Motivations de la pseudonymie dans Les Auteurs déguisés Adrien Baillet »

1. Doublures pseudonymiques
Ariane Bayle (Université Jean Moulin – Lyon III) – « D’Alcofribas Nasier à Rabelais : différer et promettre »
Michel Brix (Université de Namur), « Beuglant, Gérard, Aloysius, Frizt, Nerval et Cie : Gérard Labrunie et ses doubles »
Eddie Breuil (Université Lumière – Lyon II), « Du nom dans Dada »
Jérôme Meizoz (Université de Lausanne), « Note sur Céline pseudonyme »

2. Différences identitaires

2.1. Différences auratiques
Sylvain Dournel (Université Paris IV) : « J'habiterai mon nom ». D’Alexis Léger à Saint-John Perse. Le Cheminement d’un idéal »
Anne-Marie Havard, « Jeux et enjeux de la polynomie : le cas du poète Roger Gilbert-Lecomte »
Myriam Watthee-Delmotte (Académie Royale de Belgique et Fonds de la Recherche scientifique - Université de Louvain-la-Neuve) : « De la pseudonymie littéraire comme rite autogène. La posture auctoriale de Pierre Jean Jouve et Pierre Emmanuel »
Christophe Meurée (Fonds de la recherche scientifique – Université de Louvain-la-Neuve), « De l’aristocrate à l’anonyme : Marguerite Duras »

2.2. Différences culturelles
Martial Martin (Université de Reims), « Entre pseudonymie et anonymat. L’auctorialité brouillée des littératures satiriques et polémiques durant les guerres de religion »
Beatrijs Vanacker (KU Leuven), « Portraits d’auteurs supposés dans quelques pseudo-traductions du xviiie siècle »
Jérémy Lambert (Université de Louvain-la-Neuve), « De Georges-Marie à Joris-Karl Huysmans. De la pseudonymie littéraire comme principe baptismal »

2.3. Différences de genres
Jean-Philippe Beaulieu (Université de Montréal), « La Voix de la Maréchale d'Ancre. Effets de ventriloquie dans quelques pamphlets de 1617 »
Mélinda Caron (Fordham University – New-York), « La SpectatriceAspasieLa Comtesse de... ou le masque identitaire féminin dans la presse littéraire d’Ancien Régime »
Sophie Vanden Abeel-Marchal (Université Paris IV), « Pseudonymie, pseudandrie et pseudogynie de 1825 à 1835. Un coup de sonde dans la première moitié du xixesiècle »
Patricia Izquierdo (Université de Lorraine), « Jeux et enjeux de pseudonymes masculins à la Belle Époque »

3. Aux marges de l’auctorialité pseudonymique
Jan Herman (KU Leuven), « Postures d’auteur et doxa à l’Âge classique »
Dominique Maingueneau (Université Paris Sorbonne), « Pseudonymie et discours constituant »
Charline Pluvinet (Université de Rennes II), « Les pseudonymes invisibles d’Éric Chevillard : démolir l’autorité du nom ? »

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