Wednesday, December 4, 2019

Le projet du Hanoiou-lec’hiou Breiz Izel (HLBI)

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Le projet du Hanoiou-lec’hiou Breiz Izel (HLBI) à pour but de réunir tous les prononciations bretonnes traditionnelles des noms de lieux bretons de la Basse Bretagne.
Pour cela faire il faut faire des prospections dans divers régions de la Basse Bretagne chez les bretonnants traditionnels qui ont le breton comme langue maternelle. Ce projet revêt d’une nature toute particulière puisque il se fait dans une conjoncture historique très particulière où le gros des informateurs est destiné à disparaître à partir des trois prochaines années. Certes il y aura des bons bretonnants de souche qui vivront encore plusieurs années, mais ceux là seront l’exception plutôt que la norme. Il faut garder en tête que le but du projet de l’HLBI est de collectioner la quasi-totalité des noms de lieux habités de la Basse Bretagne (au moins 50,000 noms) et que pour des causes de logistique certains de ces noms ne sont connus – même à présent – que d’un individu dans une partie de la commune tandis que si on s’intéresserait seulement à la langue bretonne de tous les jours nous pourrions attendre d’avoir recours à des dizaines d’individus dans chaque commune pour quelques années de plus.
Pourquoi 2020 comme date butoir pour achever des
 recherches poussées en toponymie bretonne?

Premièrement, et tout bêtement, parce que les détenteurs de connaissances toponymiques bretons sont en voie de disparition. Il est bien connu qu’en la quasi-totalité de la Basse Bretagne, en dehors des bourgs principaux et les villes, que tout les enfants campagnards, jusqu’en 1945, grosso modo, parlaient le breton appris à la maison, et que dix ans après, depuis 1955, que tout les enfants campagnards ne parlaient que le français. Le changement de langue véhiculaire dans la société campagnarde, du breton au français, presque imperceptible à ses débuts, devint de plus en plus accentué avec l’avancée des nouvelles générations dans les années 1960 et 1970. Revenant au présent, ceux nés en 1945 auront atteint leur 75ème année en 2020. Sachant que la moyenne d’âge de décès des Français est 75 pour les hommes et 82 pour les femmes, on voit qu’on est très près du gouffre de l’oubli.
D’après ces statistiques, on pourra retenir le fait que la toute dernière cohorte – très atténuée –  de Bretonnants traditionnels, nés en 1955, vivront en moyen jusqu’en 2030 pour les hommes et jusqu’en 2037 pour les femmes. Cela semble nous donner une fourchette raisonnable de temps pour compléter des enquêtes chez la population bretonnante, mais de voir les choses optimistiquement ainsi c’est oublier que même les personnes nés depuis 1945 ont eu, en général – pour ce qui est de la qualité de la langue en général et surtout pour la toponymie (un savoir très particulier qui est lié à chaque endroit) – une immersion moins totale dans la langue au temps de leur jeunesse que la cohorte des Bretonnants nés dix ans auparavant, en 1935, avec tout ce que cela implique pour les interférences accroissantes du français sur tous les aspects de leur breton. Plus un individu à vécu dans la période précédant 1955, avant la modernisation effrénée de l’agriculture bretonne et le remembrement massif du paysage d’antan, plus il aura connu, non seulement le breton, mais les anciens mœurs, la vie communale à l’ancienne, au rhythme des chevaux et de la coopération de voisinage qui se faisait tout en breton. A force d’écouter les anciens dans cette société grégaire, beaucoup de savoirs, de connaissances et de mots se secrétaient dans la mémoire, et beaucoup de noms de lieux, tant noms de champs, de ruisseaux, de chemins, de carrefours que de noms habités ont pu perdurer jusqu’à nos jours. Ceux nés depuis 1945 ont eu une moindre participation dans cette société traditionnelle que les cohortes précédentes avec des conséquences sur leurs connaissances concernant leur localité.
Ce qui plus est, on doit admettre que les hommes – et nous généralisons ici – ont tendance à posséder une meilleure connaissance des détails de la topographie d’un district que les femmes, étant qu’ils s’occupaient beaucoup plus de la terre que les femmes plutôts attachées à des tâches domestiques autour de la maison et des jardins avoisinants. La mode de vie des hommes les voyaient travailler dehors au long de la journée et, pour un nombre non négligeable, s’adonner à la chasse comme principal passe-temps (Mais il importe de dire, quand même, qu’en dépit de la généralisation qu’on vient d’énoncer que des différences individuelles d’intelligence ou d’intérêt font que les femmes n’ont souvent rien à envier aux hommes pour ce qui est de leurs connaissances de la toponymie de la localité).
Il en ressort que vers 2020, assez précisément, la collecte d’une couverture géographique assurée de la totalité du territoire rural de la Basse Bretagne ne pourrait plus s’y faire. Et puis après, ce sera catégoriquement trop tard.
Conséquences de la non-réalisation du projet de l’HLBI
En absence de réfléxion sur les enjeux du projet de l’HLBI on pourrait penser ‘Et puis alors ? Les passionnés du breton n’ont pas eu leur compte? Mais, voyez-donc, il y a des préoccupations bien plus graves dans le monde d’aujourd’hui’. Certes, mais ce serait, bien sûr, oublier les avantages évidentes qu’on pourrait en tirer pour ce qui est de la connaissance collective de langue bretonne, si cela compte pour quelque chose … En fait, l’enjeu de ce que propose de faire l’HLBI va beaucoup plus loin que de simplement faire progresser les connaissances linguistiques et des questions purement bretonnes: ce serait aussi – ce qui peut, à premier abord, paraître beaucoup moins évident – un atout majeur pour les connaissances historiques, géographiques, sociologiques etc. etc. sur cette partie originale du territoire français. Une lacune majeure de notre mémoire historique serait comblée si les buts de l’HLBI pouvaient être achevés, étant que tout un groupement original de plus d’un million de personnes (à son apogée en 1911) se verraient dénaturer pour la simple raison qu’ils auraient vécus dans une langue tout autre que la quasi-totalité des documents par lesquels leur traces nous sont conservés aujourd’hui. A quelques exceptions près, le français fut la seule langue en laquelle ils furent recensés et décrits, conduisant à une situation qui tend à la distorsion de la réalité humaine vécue.
Ce qui plus est, cette société bretonne avec sa langue propre dont perdurent les derniers participants en ce moment même, représente beaucoup de savoirs qu’on ne pourra trouver dans les documents écrits. Comme pour beaucoup d’autres savoirs spécialisés, ceux qui connaissent moins le sujet sont les moins inconscients de ce qui se perd. Il est encore temps de réparer les abimes béantes de nos connaissances collectives de la réalité humaine qui fut l’éthnie bretonne dans la péninsule armoricaine.
Des aides financières pour la réalisation du projet de l’HLBI ?
Peut-on espérer qu’une modeste somme sera attribué par des instances en position de le faire pour que deux ou trois spécialistes déjà formés pourraient s’y atteler à la tache pendant trois ans pour faire en sorte qu’un des patrimoines les plus importants de cette partie de la France sera préservé pour les générations de l’avenir ? C’est à dire, une collection de base publiée des données toponymiques de la Basse Bretagne qui ferait authorité sur les noms de lieux et rassembleraient  toutes les connaissances susceptibles de servir aux travaux historiques, géographiques, linguistiques, sociologiques, etc. etc. (nous en passons bien sûr). On espère vivement que les agences culturelles comprenderont l’enjeu et prendront acte, mais pour autant sans nous faire des illusions qu’assurément cela sera fait quand même que les justifications auraient été donnés dans des termes les plus clairs …
Iwan Wmffre & Loïc Cheveau 

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