Le Télégramme
par Ronan Larvor
par Ronan Larvor
Kevre Breizh lance une campagne pour sauver la toponymie bretonne. La fédération culturelle bretonne appelle les élus à inventorier la microtoponymie de leurs communes pour retrouver l'empreinte historique des populations sur leur territoire.
Les noms de certaines communes bretonnes, nées d'une fusion ces dernières années, sont restés au travers de la gorge des spécialistes de la toponymie. Avec Beaussais-sur-Mer (*), comme symbole de tout ce qu'il ne faut pas faire. « C'est le cas navrant des communes qui abandonnent leur histoire, leur langue au profit de noms inspirés du marketing », estime Alan Ar Gal, qui a rédigé un livret pour Kevre Breizh sur la toponymie bretonne. La fédération culturelle a, en effet, décidé de mobiliser toutes les communes de Bretagne pour les sensibiliser au « trésor » que représente la toponymie, « qui est en danger par la faute des Bretons eux-mêmes ».
Un trésor inépuisable
« La toponymie nous dit les langues d'un territoire, nous racontent les peuples qui y ont vécu (Armoricains, Celtes, Romains, Bretons), détaille Alan Ar Gal. Elle nous informe sur la végétation, l'organisation sociale et politique d'un territoire, l'organisation en paroisse (Plou, Lan...). Elle a conservé des patronymes parfois très anciens inscrits dans les cartulaires (IXe siècle), les déclarations de bien de succession (XIVe), les rôles d'impôt (XVe). La toponymie nous raconte aussi les migrations. Par exemple, une étude sur la toponymie de Langoat (22) a montré des similitudes entre l'organisation des lieux-dits Langoat, Karadeg, Dogmael et leur emplacement dans une commune du pays de Galles. La toponymie est l'empreinte d'un peuple sur son territoire, son identité ».
Retrouver du « bon sens »
Kevre Breizh rappelle que les municipalités ont tout pouvoir sur la dénomination des noms de lieux. Le péril en la demeure est venu de la francisation parfois fantaisiste des noms bretons. Inutile de revenir sur le kroas-hent (carrefour des mots kroas/croix et hent/route) devenu « croissant ». Nombre de communes ont d'ailleurs commencé à retrouver le bon sens. L'urbanisation est une autre source de perte d'identité. La multiplication des lotissements, des rues, a conduit à attribuer des noms totalement déconnectés de toute réalité, quand existe encore une microtoponymie locale qui aurait pu être sortie de l'oubli. « On utilise des listes de noms d'oiseaux, de fleurs, sans lien avec le territoire, regrette Alan Le Gall. On arrive à une rue des Peupliers sur une colline quand cet arbre ne pousse que dans les fonds humides ».
Appel aux élus
Kevre Breizh a donc lancé une campagne à destination des 1.466 communes de la Bretagne historique. Une plaquette rappelant l'importance de préserver ce « trésor menacé » a été distribuée avant l'été. Les bénévoles de l'association vont aussi rencontrer les élus sur le terrain. « Nous leur demanderons d'inventorier la microtoponymie avant qu'elle ne soit perdue, souligne Tangi Louarn. Nous leur présenterons les expériences positives déjà menées dans certaines communes ».
(*) Depuis 2016, cette commune nouvelle des Côtes-d'Armor réunit Ploubalay, Trégon et Plessix-Balisson.
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