Wednesday, May 17, 2017

Quels noms en français pour les lieux de l'Ontario?

#ONFR

TORONTO – La Commission de toponymie de l’Ontario (CTO) est méconnue. Mais elle fait un travail essentiel pour mettre de l’avant les noms de lieux utilisés par les Franco-Ontariens. L’organisme mène présentement des enquêtes dans plusieurs régions désignées et invite les citoyens à partager leurs propositions.


ÉTIENNE FORTIN-GAUTHIER
efgauthier@tfo.org | @etiennefg
«Depuis la loi 8 [Loi sur les services en français], en Ontario, il peut exister des toponymes en français et ils sont protégés par la loi», explique le président de la CTO, André Lapierre. «On peut dire que la Loi sur les services en français nous a donné un sérieux coup de pouce pour s’assurer que là où il y a des francophones, et où on utilise une nomenclature différente de la majorité anglophone, la minorité francophone a sa propre désignation», affirme le linguiste.

M. Lapierre est le premier francophone à être nommé à la tête de la CTO. Mais il assure ne pas avoir de biais francophone. «La Commission n’est pas là pour faire la promotion de ce qui n’existe pas sur le terrain», lance-t-il, tout de go.



Car les règles sont claires. Pour se retrouver sur une carte ou dans des documents officiels du gouvernement, un nom de lieu doit impérativement être utilisé par les citoyens. Les Franco-Ontariens qui utilisent un nom en français pour décrire une île, une montage ou une rivière peuvent espérer le retrouver dans les documents officiels, insiste André Lapierre. Cela peut devenir une réalité suite à une proposition faite par la Commission à la ministre des Richesses naturelles et des Forêts, Kathryn McGarry.

Lorsqu’une région est désignée en vertu de la Loi sur les services en français, la CTO lance une enquête pour déterminer si des noms de lieux en français n’ont pas encore été répertoriés, alors qu’ils sont pourtant utilisés dans la population. Brampton et Mississauga, la municipalité régionale de Peel, et le comté de Frontenac, dans la région de Kingston, sont actuellement dans la mire de la Commission.

L’institution est à la recherche de noms en français seulement pour des lieux géographiques, comme des cours d’eau, des îles, des baies ou des collines, par exemple. «Ça ne peut donc pas être un pont, un édifice ou une école», insiste M. Lapierre. Notons que des propositions peuvent aussi être faites pour des lieux hors des régions désignées.

«Est-ce qu’on aimerait avoir d’autres renseignements du public? Bien sûr! Nous sommes toujours à l’écoute. Si quelqu’un se rend compte qu’une désignation différente est utilisée en français comparativement à la désignation anglaise, nous ferons une enquête» – André Lapierre

Une telle enquête a récemment été menée à London. «Je m’attendais à ce que des gens nous contactent pour nous proposer le nom « Rivière La Tranche », utilisé par les explorateurs français, pour désigner la « Thames River ». Nous n’avons eu aucun commentaire. Ça s’explique peut-être par la composition de la population francophone, issue en grande partie de l’immigration et établie là récemment», affirme M. Lapierre.

Différentes catégories de noms en français

60 000 noms géographiques existent en Ontario. Une poignée de «noms officiels» sont en français et utilisés autant par les francophones que les anglophones. C’est le cas, notamment, du quartier d’Orléans, à Ottawa, qui s’écrit avec son accent, même en anglais. Ou encore du Lac Seul, dans l’ouest de la province.

«Les anglophones prononcent « lac soule ». Ils l’utilisent ainsi. On a déjà essayé de le traduire en « Lonely lake », mais ça n’a jamais pris», explique M. Lapierre.



Lorsqu’un nom de lieu n’est utilisé que par les francophones, il est nommé «nom parallèle francophone». À noter que tous les noms de lieux anglophones ont aussi un «équivalent francophone» qui peut être utilisé dans des documents officiels.

Les enquêtes de la Commission sont nécessaires et permettent de mettre en lumière des propositions incorrectes ou tout simplement inappropriées, insiste son président. «On s’est déjà fait suggérer le nom « Lac de la capote ». On a bien vu que les gens n’utilisaient pas ce terme. Parfois, on a aussi des batailles entre voisins ou des gens qui veulent nommer un lieu avec leur propre nom. Mais être propriétaire d’un terrain ne donne pas le droit de donner un nom à une entité géographique», confie-t-il.

Rivière Esturgeon ou Sturgeon Falls?

La Commission a commencé à s’intéresser aux noms francophones seulement au courant des années 80. Plusieurs étaient largement utilisés par les citoyens, mais ils n’étaient pas reconnus officiellement par la province avant la Loi 8. Un gigantesque travail d’inventaire a été mené.
André Lapierre observe néanmoins que des municipalités qui comptent de très fortes populations francophones conservent encore aujourd’hui des noms anglophones.
«À Sturgeon Falls, c’est à 95 % francophone, mais ça demeure encore Sturgeon Falls. On a jamais eu Rivière Esturgeon. Même chose à Casselman. Ils n’ont jamais changé de nom. C’est à eux de décider. Ils veulent probablement respecter les origines», souligne-t-il.
C’est aux citoyens de décider, rappelle-t-il. Son organisation n’est que le reflet de la réalité du terrain, conclut-il.

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