http://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/0203891039190-onomastique-et-identite-1060623.php
Que leur prend-il donc de vouloir changer le nom de leur parti ? Manuel Valls, Marine Le Pen et Nicolas Sarkozy manifestent ainsi, chacun, un sentiment d'inadéquation qu'ils souhaitent partager. Et un besoin de s'en affranchir en modifiant d'abord le mot, sinon la chose. On comprend qu'ils risquent l'entreprise. On devine ce qu'ils en espèrent. On mesure sa difficulté.
Il faut du courage à Valls pour reconnaître que le mot « socialisme » a pris une connotation archaïque et désagréable (impôt, bureaucratie, sectarisme, irréalisme). Il faut une certaine lucidité à Le Pen pour admettre que le Front national gagnerait à se libérer de ses implications historiques (pétainisme) ou idéologiques (antisémitisme, racisme ordinaire…). Et Sarkozy a du mérite à constater l'échec politique de l'UMP à réunir la droite et le centre, et son échec moral dû à ses fraudes électorales et financières. Qu'elles aient été commises par son propre entourage y ajoute même de la saveur.
Savoir ce qu'ils espèrent les uns et les autres de leur entreprise revient à rechercher les calculs qui les inspirent. A vrai dire, ils paraissent assez risqués pour que les connaisseurs y voient au moins autant d'inconvénients que d'avantages. Dans l'attitude de Valls, certains voient tout uniment la préparation d'un départ, suivi d'une quête d'électeurs au centre. Mais l'addiction légendaire des troupes de gauche à l'appartenance de famille et à la chaleur communicative des congrès fait douter de l'issue. Le Pen, en arrondissant les angles du Front, espère arrondir aussi sa gibecière de prises dans les poulaillers des autres, et sans doute faciliter, grâce à une dénomination désulfurée, d'éventuelles et ultérieures alliances. Mais au risque que cet affadissement rende plus savoureuse une autre extrême droite. On admire enfin Sarkozy de chercher, dans le mot de « rassemblement » qu'il proclame le contraire de ce qu'expriment ses accents de tribune et les vociférations de ses militants. On se demande finalement si toute cette onomastique ne joue pas sur les mots pour mieux éviter d'exprimer une franche identité. Car elle assure rarement, on le sait, le succès électoral.
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